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Le carnet de guerre
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Un engagement immédiat au régiment du 13ème Dragon
Dès l’annonce de la guerre, (le tocsin sonne dans tous les clochers de France) Albert Siffait de Moncourt part à vélo à Abbeville (25 km) pour s’engager dans l’armée. En raison de son âge (55 ans), il subit plusieurs refus avant d’être engagé « pour la durée de la guerre ». Il sera principalement estafette à cheval, c’est dire en charge de la transmission des messages entre les états-majors. Il fera tout pour rester près du front, refusant des affections à l’arrière : « la territorial ».
Pendant les quatre années de guerre il ne peint pas, simplement quelques « pochades » ou portraits rapides de ses compagnons pour leur famille.
Il restera un simple soldat côtoyant les officiers qu’ils rencontraient souvent dans le cadre de sa fonction. Son carnet évoque plus d’une centaine de noms de personnes qu’il connaissait, le plus souvent, avant 1914 et qu’il retrouve au gré de ses déplacements.
Son seul fils décède fin 1918 suite à une maladie contractée sur le front (« ayant su la victoire »)

Préface de son carnet de guerre qu’il intitule « Souvenirs de 14-18 »
Ceci n’est pas une histoire de la guerre.
J’ai voulu simplement pour mes petits enfants, si j’ai le bonheur d’en avoir, résumer mes impressions pendant cette période qui a du laisser à tous des souvenirs inoubliables. Mon rôle, bien modeste ma permis d’observer cependant les combattants de tous grades. Je n’ai pas pu comme je l’aurais désiré, prendre une part réelle au combat. Ceux qui liront ces lignes verront que je n’ai été ni un héros ni un embusqué et cela me suffit. Pensant que les vieux bien portants pouvaient se rendre utiles, j’avais comme tous ceux qui sont partis, fait le sacrifice de ma vie. Je n’ai jamais espéré que cela sauverait mon fils, car la mort frappe indistinctement. Je voulais seulement, puisque le recrutement acceptait un engagé de 55 ans, rejoindre, sur mon cheval mon fils au 13ème dragons.
Les règlements me l’ont interdit et j’ai pu seulement voisiner avec lui pendant quelques mois en 1917, quand nous avons appartenu au même corps. N’ayant aucune disposition pour l’ambulance (NDLR : C’est le premier poste médical près du front pour porter les premiers secours au blessés. Pas de chirurgie. L’ambulance se compose d’un personnel médical nombreux et de véhicules (fourgons) ou tentes. L’ensemble de l’ambulance peut être déplacé en fonction de l’évolution du front) , ni pour la mécanique, je ne pouvais que reprendre mon métier – combien mal exercé – de cavalier de 2ème classe après 35 ans d’oubli, mais cette fois utilement. Et puis je me disais : ou bien c’est la fin de la France, alors mieux vaut mourir avec elle que de devenir boche, ou bien c’est la victoire, et il serait malheureux de ne pas en être.
Voulant, c’est le seul intérêt des notes de la guerre, dire la vérité, toute la vérité, je dis ce que je pense des hommes, même de mes amis, dont le caractère, beau ou laid, s’est manifesté auprès de moi. Ceux que j’ai vus sous un jour défavorable je ne les nommerai pas, les désignant sous de fausses initiales. Peut-être suis-je plus susceptible que d’autres, comme mon fils d’ailleurs, j’ai beaucoup souffert des hommes, tandis que la souffrance causée par le froid, la faim, la boue, la fatigue, le manque de sommeil, ne m’a jamais affecté.
Histoire de la découverte en 2003 du carnet de guerre d’Albert Siffait de Moncourt.
Un texte a été rédigé dans le cadre du concours « les 40 plus belles histoires franco-allemandes » organisé par l’Office Franco Allemand pour la Jeunesse fin 2003. « Il invitait des Français et des Allemands, toutes générations confondues, à témoigner sur un événement personnel franco-allemand qui les a marqués ». Cette histoire a été primée, elle fait partie des 40 parmi plus de 700 qui sont parvenues à l’OFAJ.
Ci-dessous cette histoire.
Histoire du retour du carnet de guerre
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